Sheila Urbanoski : + POSITIVE +

    POSITIVE    

® Sheila Urbanoski ®

Issue des profondeurs de la Saskatchewan, Sheila Urbanoski a entre autres étudié à l'Université de la Saskatchewan, écrit des critiques d'art et donné ateliers et conférences (généralement sur la vidéo, les nouveaux médias et la création web). On l'aura remarqué dans ses performances avec Patrice Fortier dans les Pantry Partners, comme modèle pour artistes, agente de sécurité, bête de cirque, danseuse go-go, actrice et ‘cigarette girl’. Elle travaille en vidéo et cinéma depuis 1983 comme monteuse, scénariste, décoratrice. Elle traduit le braille. Elle a enseigné le dessin et fait des peintures sur murales, t-shirts et corps. Elle a cherché à devenir une femme de la Renaissance, une mondaine, une bonne fille, une drag queen, une madonna et une femme parfaite.

+ POSITIVE +

Il était une fois…

Ian est venu me visiter à mon chalet à Saskatoon, avec Alyx et Ming, et son nouveau bouquin. Si c'était la première fois que je voyais de près le Ian malade, avec tous ses plans il m'apparaissait être au-dessus de tout… Nous faisions des blagues. Qui prenait le plus de pilules? Moi avec mes vitamines de A à Z, mon fer, mon ail, mon dong quai… ou lui avec sa photogénique pharmacie du VIH?

Ils complétaient leur grande traversée du Canada, visitant au passage amis et amies les plus chers. Par Wishart, où ma famille allait nous faire preuve de la plus grande hospitalité, nous avons fait un petit détour. Comment mes deux fermiers de frères et ma mère catholique de 72 ans allaient réagir à ce couple très ‘out’? J'ai expliqué à Olga qu'ils n'étaient pas que de bons colocs… et que Ian avait attrapé Le virus. Ses yeux lents se sont emplis d'eau : “Si jeune… si doux…”. Ouais, elle avait raison.

De retour à Saskatoon, moi et Ian avons discuté notre collaboration pour un site web : ses textes + mes graphiques. Il avait été excité par l'idée de venir avec moi à Banff au printemps prochain. Il m'avoua plus tard que ça lui faisait drôle de planifier les choses six mois à l'avance. J'allais m'en rappeler par la suite…

En route vers Montréal, ils sont passés me saluer à Calgary. Ian ne dormait pas bien, toussant, et Alyx était exténué. Ils avaient tellement voyagé après tout. J'ai failli faire une ‘overdose’ de café quand Ian et moi nous sommes rencontrés pour discuter de nos plans pour Banff. Il n'avait pas fini sa tasse, il me l'a offerte, je ne la voulais vraiment pas. Déjà j'en avait trop bu …ou encore peut-être avais-je peur de boire à sa tasse? C'est ce qui m'a empêché de dormir.

À l'automne, de passage à Montréal, j'ai raté de rencontrer Ian. Au téléphone, je n'ai pu qu'être inquiétée par son manque de concentration. Le printemps arriva et Banff approchait; Ian semblait rester distant, nos projets ne l'emballaient-ils plus? Hélène m'avoua finalement qu'en fait il était hospitalisé, gravement malade, et aveugle.

Je suis allée seule à Banff réaliser notre projet, pressée de le terminer pour revenir le ‘montrer’ à Ian. Or, au bout d'une semaine, une tempête étrange s'empara de Banff... L'électricité disparut. Comme il fallait attendre indéfiniment, j'ai pris l'avion en direction de Montréal pour retrouver Ian au plus vite.

Son docteur a tenté de me préparer à le revoir. Merci beaucoup.
Mais Ian était tellement en forme, beau, il m'appelait ‘sweetie’ … nous rigolions…
Le lendemain il s'est endormi au beau milieu de notre conversation.
Le jour d'après il avait de la difficulté à se concentrer sur l'histoire que je lui lisais.
Patrice et moi avons passé le jour suivant à lui tenir la main. Alyx a finalement fondu en larmes…
Celui d'après il ne savait plus qui j'étais.
Le suivant nous l'avons changé avec des gants de caoutchouc.
Puis le lendemain j'ai dû repartir, je lui ai dit bonjour.
Le jour d'après, il n'était plus.